Histoire

En août 1914, au début de la Première Guerre mondiale, des dizaines de milliers d’hommes de partout au Canada se sont rués vers leurs centres de recrutement locaux afin de s’enrôler. Les nombreux hommes noirs qui ont tenté de s’enrôler à ce moment ont découvert qu’ils devaient également lutter contre le racisme contre les Noirs. Certains se sont même fait dire « Ceci est une guerre d’hommes blancs » ou « Nous ferons appel à vous quand nous aurons besoin de vous ». Les Canadiens noirs se sont également fait dire à répétition que de nombreux hommes blancs refuseraient de servir à leurs côtés.

Pendant deux ans, des hommes noirs de partout au Canada qui avaient tenté de s’enrôler ainsi que des leaders de la communauté noire et des Blancs qui ne soutenaient pas le racisme contre les Noirs ont écrit au gouvernement et au gouverneur général. Certains dirigeants militaires ont eux aussi contesté les pratiques de recrutement racistes et ont proposé des solutions. En 1916, le besoin en unités de main-d’œuvre militaire était devenu criant. En avril 1916, le Canada a acquiescé à la demande de la Grande-Bretagne de former un ou deux bataillons de travail et il a été finalement décidé que l’un d’eux serait un bataillon de travail formé de Noirs.

La mise sur pied du 2e Bataillon de construction a été autorisée le 5 juillet 1916. Le recrutement a débuté dans les Maritimes le 19 juillet et, le 30 août, ce bataillon est devenu l’une des rares unités à avoir le droit de recruter partout au pays. En décembre 1916, les membres du bataillon ont été informés qu’ils devaient se préparer à servir outremer, car on avait besoin d’eux de toute urgence. À la fin janvier, alors qu’on mettait sur pied une vaste campagne de recrutement pour permettre au bataillon de compléter son effectif, le 2e Bataillon de construction a envoyé 250 hommes au Nouveau-Brunswick afin de démonter des voies ferrées, car on avait besoin de manière urgente en Belgique et en France pour mener les opérations militaires.

Le 28 mars 1917, le 2e Bataillon de construction quitte Halifax (Nouvelle-Écosse) à bord du SS Southland et arrive à Liverpool (Angleterre) le 7 avril suivant. Parce que le Bataillon avait pris la mer en ne disposant que de 595 officiers et soldats alors qu’un bataillon compte habituellement un effectif de 1 049 militaires, le ministère de la Guerre britannique lui a interdit de se rendre en France. Le Bataillon a fait l’objet d’une réorganisation et a été transformé en compagnie de travail constituée de 500 officiers et militaires. Le reste du personnel du Bataillon est resté en Angleterre afin d’être prêt à servir de renfort.

Après avoir été rebaptisé « 2e Bataillon canadien de construction », il est envoyé en soutien aux opérations du Corps forestier canadien le 17 mai, dans le massif du Jura, dans le sud-est de la France. À leur arrivée, les membres du Bataillon se sont immédiatement mis au travail, leurs rôles consistant notamment à faire fonctionner et à entretenir le réseau d’aqueduc qui alimentait en eau tous les camps, à entretenir les routes et à participer à la construction d’un chemin de fer pour l’exploitation forestière. Le Bataillon était également directement impliqué dans les opérations forestières, de la coupe de bois au transport des arbres jusqu’à la scierie où le bois était transformé en bois d’œuvre fini. Les membres du Bataillon assuraient ensuite le transport de cette cargaison jusqu’à la gare ferroviaire.

Le bois d’œuvre était une ressource essentielle dans les tranchées et le long des lignes de front. Il était utilisé pour les parois et le fond des tranchées ainsi que pour construire des postes d’observation, des ponts et des sentiers piétonniers. Le bois d’œuvre du Jura a même servi à fabriquer des avions de chasse français. Les scieries alimentées par la 2e Compagnie de construction ont produit deux fois plus de bois d’œuvre que les scieries qui avaient été privées de ce soutien.

La 2e Compagnie de construction a apporté son soutien à d’autres opérations du Corps de foresterie canadien. En novembre 1917, 50 hommes ont été envoyés à la 37e Compagnie, à Péronne (France). Un autre contingent de 180 hommes a été envoyé au District no 1, à Alençon, à la fin décembre 1917.

À la signature de l’Armistice, le 11 novembre 1918, le bois d’œuvre n’était plus aussi nécessaire. La 2e Compagnie de construction et d’autres compagnies du Corps forestier canadien ont été retournées en Angleterre au début décembre 1918, pour être ensuite rapatriées au Canada. À la mi-janvier 1919, la plupart des hommes du 2e Bataillon de construction étaient rentrés à Halifax par bateau, puis ils sont retournés dans la province où ils avaient été recrutés. La majorité d’entre eux a été libérée à la fin de février; le 2e Bataillon de construction a été dissout le 20 septembre 1920, en même temps que le Corps expéditionnaire canadien.

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l’Armée nous a laissé nous enrôler, mais ne nous a pas laissé combattre. On nous a donné des pelles, pas des armes ».

Les hommes du 2e Bataillon de construction ont fait la preuve du dévouement des communautés noires de tout le Canada envers leur pays. Ils voulaient servir, malgré le racisme qui sévissait contre les Noirs. Ils ont participé à l’effort de guerre du Canada, y jouant un rôle essentiel. Le 2e Bataillon de construction demeure la plus importante unité composée uniquement de Noirs de l’histoire du Canada. Sa création témoigne du fait que les communautés noires de partout au pays avaient une voix qu’il fallait que les représentants du gouvernement entendent.

À Toronto (Ontario), en juillet 1920 et en septembre 1926, l’Assemblée législative provinciale a rendu hommage au 2e Bataillon de construction. Toutefois, l’histoire du bataillon est demeurée méconnue jusqu’à ce que le regretté sénateur Calvin Ruck, CM, a entrepris ses recherches sur le Bataillon dans les années 80. En 1992, le gouvernement du Canada a à son tour rendu hommage au bataillon, qualifiant son existence d’événement historique d’importance nationale. Un monument commémorant le 2e Bataillon de construction a été érigé à Pictou (Nouvelle-Écosse) en 1993. Postes Canada a émis un timbre commémoratif en février 2016.